Loïc Padonou, du terrain de foot à la cour d'assises

« On a obtenu la condamnation de policiers qui avaient franchi la ligne rouge, qui avaient adopté un comportement réprimé par la loi pénale. Cette condamnation est symbolique. Ce dossier m’a marqué parce qu’il traduit la réalité du contentieux entre une partie de la police et une partie de la population. […] On a le symbole de la force de l’État qui fait un usage illégitime de la force. Et ça casse beaucoup de choses dans la lecture qu’on peut avoir du projet social. »

 

Loïc Padonou interview hollington lookbook FW20

 

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Loïc Padonou. Je suis avocat à Paris depuis une dizaine d’années, et j’ai une trentaine d’années. Je suis spécialise en contentieux : j’interviens quand il y a des litiges entre des personnes physiques et des personnes morales, des sociétés, ou des litiges entre personnes morales. J’interviens aussi en contentieux pénal. Ce sont les contentieux qui vont des infractions au code de la route jusqu’au meurtre. Autant dire que le panel est large. Je suis un avocat plaidant, j’utilise beaucoup ma robe d’avocat. À la différence de certains avocats qui dispensent principalement des conseils, je vais aussi au tribunal pour plaider des dossiers.

D’où venez-vous ? Quelles sont vos racines ?

Je suis issu d’un métissage. J’ai une grand-mère qui est Bretonne-Normande et qui a marqué mon prénom de son empreinte, et mes trois autres grands-parents sont originaires du Benin, un petit pays d’Afrique de l’Ouest. J’ai grandi au Benin jusqu'à l’âge de sept ans. On faisait des allers-retours entre la France et le Benin, et puis on s’est installé en France. J’ai fait toute ma scolarité en France.

Vous avez fait du football et de l’athlétisme pendant toute votre jeunesse : est-ce ce parallèle entre sport collectif et sport individuel qui vous a construit ?

Ma mère m’a demandé de choisir un sport, mais j’ai été dans l’incapacité de choisir. Je me suis inscrit aux clubs de football et d’athlétisme. Avoir eu cette chance de pratiquer à la fois un sport collectif et un sport individuel, quasiment jusqu'à la fin de mon parcours universitaire, m’a beaucoup aidé à me remettre en question et à interagir avec les autres en me positionnant par rapport à l’entraineur, aux camarades, aux adversaires. Et puis l’athlétisme, c’est l’école de la rigueur. On s’entraine toute l’année pour des centimètres ou des secondes… J’étais spécialisé dans le saut, que j’affectionnais particulièrement. Dans le saut en longueur, le triple saut, il y a aussi la beauté du geste, c’est chorégraphié. La compétition, la rigueur, mais aussi la capacité à interagir qu’imposent ces disciplines m’aident tous les jours. La confiance en soi est l’un des principaux enjeux. Savoir regarder quelqu’un dans les yeux, ne pas être effrayé, ne pas se demander tout le temps ce qu’on fait là, je pense que c’est quelque chose qui change beaucoup les rapports aux autres.

Quelle est la relation entre l’avocat et le sportif en vous ?

Le prolongement de ce que je viens d’évoquer, dans mon exercice professionnel, c’est le rapport aux clients, aux magistrats, aux adversaires. Être avocat, c’est prendre la parole pour quelqu'un, ce qui peut être stressant. Il y a certainement une question d’ego, mais remettre sa prestation en question peut générer de l’angoisse : a-t-on dit les choses correctement, a-t-on dit ce qu’il fallait dire, n’a-t-on rien oublié ? A-t-on été capable de répondre à la surprise de l’audience, à ce que les uns et les autres ont pu inventer, créer pendant les débats ? Prendre simplement la parole vis-à-vis des autres, dire ce que j’ai à dire sans questionner ma légitimité à être là est une angoisse que moi j’ai moins. Le football m’a permis de prendre conscience du fait que j’étais là parmi les autres et que je n’avais pas à avoir peur. Le football, en Ile-de-France, c’est très dur quand on est petit. Il y a l’esprit de compétition, et les rapports sur le terrain avec les adversaires mais aussi avec les coéquipiers sont très difficiles. Il faut faire sa place.

Pourquoi vous être tourné vers le droit ? Des avocats vous ont-ils inspiré ?

En grandissant à Issy les Moulineaux, j’ai participé à un conseil communal de jeunes qui avait beaucoup de moyens d’action. Ça m’a permis d’apprivoiser la vie locale, la politique au sens non partisan. On ne nous demandait pas d’être encartés, on nous proposait juste de nous réunir et de réfléchir à des problématiques relatives à la vie de la cité. J’ai appris à réfléchir aux moyens d’élaborer et de transmettre mes idées, de les énoncer. Au collège, j’ai également fait un stage auprès d’une avocate qui travaillait toute seule dans la ville où j’habitais. Cette expérience m’a bouleversé, j’étais tout jeune. Je me rappelle notamment d’une audience correctionnelle à laquelle j’ai assisté : la victime était une jeune femme qui avait été séquestrée et violentée, son visage avait été cutterisé… ça m’a littéralement saisi. Parallèlement, j’ai très vite été délégué de classe. Là encore, je prenais la parole pour des copains. J’ai toujours eu un problème avec l’injustice, c’est quelque chose qui m’habite depuis très longtemps. Ca peut sembler banal, mais mon sujet par rapport à l’avocature, c’est d’abord ce rapport à l’injustice.

 

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Quel est votre principal trait de caractère ?

Je pense que je suis pugnace, que je suis un battant. J’aime aller au bout des choses. Dans mon métier, ce sont des éléments qui comptent, des traits de caractère qui comptent.

Aujourd’hui, vous avez votre propre cabinet. Que vous a apporté le statut d’avocat indépendant ?

Il y a 70 000 avocats en France, et 99% d’entre eux sont des avocats libéraux ; il y a 1% résiduel d’avocats salariés. Certains de ces avocats libéraux sont associés, c’est-à-dire qu’ils ont des collaborateurs qui travaillent pour eux, mais ces collaborateurs ont toujours le droit d’avoir leurs propres clients. Dès le début, j’ai donc eu mes clients, mais mon plus gros client était le cabinet pour lequel je travaillais. Je travaillais plus tard pour pouvoir avoir une clientèle additionnelle. La principale différence depuis que je suis à mon compte, c’est que j’ai perdu mon plus gros client : le cabinet pour lequel je travaillais.

Quelle est votre routine journalière ?

D’abord je dépose mes filles à la crèche et l’école. C’est important, parce que c’est très difficile d’être à une audience à 9h – ce n’est pas sans poser son lot de difficultés. Le contentieux pénal, c’est un contentieux de l’urgence, pour partie. Qu’est-ce que cela signifie ? La semaine dernière, mercredi, on m’a appelé tard le soir pour une garde à vue. La conséquence d’une garde à vue, c’est que ma cliente a été entendue dès le lendemain matin. Je devais donc être au commissariat avec elle le jeudi matin. J’avais prévu des visites à des détenus, que j’ai décalées au jeudi après-midi. Mais ma cliente a été déférée, c’est à dire qu’elle a été transférée au palais de justice pour comparaitre immédiatement après la garde à vue... Dans un autre dossier, j’avais un interrogatoire prévu dans le bureau d’un juge d’instruction le vendredi après-midi, et j’ai plaidé à 1h du matin passée. La décision a été rendue à 2h du matin le samedi. Il n’y a pas de routine, en fait, dans ce métier. Nous nous sommes donné rendez-vous aujourd’hui, mais j’aurais pu être appelé pour une garde à vue. Cela arrive assez régulièrement quand on pratique le pénal, et ça change tout un emploi du temps. Il faut faire preuve d’une certaine souplesse. Ça emporte aussi comme conséquence qu’on a une activité plus nomade, qu’il faut transporter un ordinateur portable quasiment tout le temps.

 

 

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Avez-vous des héros ?

Ce que j’affectionne particulièrement, c’est le courage et la détermination de certains personnages historiques. Les sacrifices qu’ils ont pu faire dans des combats où leurs idéaux étaient au-dessus de tout m’ont marqué. Ce sont des personnages qui étaient déterminés, qui ont parfois été emprisonnés pour leurs idées et qui n’ont pas délaissé ces idées. Certains ont même réussi à les traduire réellement, et l’histoire a fini par leur donner raison. C’est ça qui me fait rêver, plutôt que des héros en tant que tels.

Quelle est votre plus belle réussite ?

Professionnelle ou personnelle ? Eh bien les enfants ! (rires) Ma plus grande réussite professionnelle, c’est d’avoir des clients qui me font confiance, qui me demandent de les assister, de les représenter, de les défendre. Je pense que c’est le plus difficile. Quand on commence, on est pétrifié à l’idée de s’asseoir devant son téléphone et d’attendre qu’il sonne, parce que c’est ça la réalité. Le meilleur avocat du monde ne travaille pas s’il n’a pas de clients. C’est une activité qui est très difficile, il y a beaucoup d’avocats qui gagnent à peine le SMIC tous les mois : on est très loin de l’image de l’avocat qui se vautre dans le luxe.

Après, même si je suis trop jeune pour pouvoir faire un bilan, il y a quelques dossiers qui m’ont marqué. On pourrait avoir l’impression que je défends surtout des victimes, mais 98% du temps je défends des personnes qui sont mises en cause, qui sont accusées, à qui on reproche des choses. J’ai eu la chance de défendre les parties civiles dans un procès historique qui a eu lieu devant la Cour d’Assises de Paris, où l’on jugeait des génocidaires rwandais. J’étais là pour des personnes qui se sont vu reconnaître le statut de victime. Ce sont des expériences qui marquent.

Dans un registre complètement diffèrent, j’avais peut être un ou deux ans de barreau et mes quatre clients avaient été victimes de violences policières dans une banlieue bourgeoise francilienne. Dans ce dossier il n’y a pas eu de mort, de personnes mutilées, qui aient perdu un membre ou je ne sais quoi – pas du tout. C’étaient des violences banales, des violences peut-être quotidiennes : des coups de matraque, des jets de gaz lacrymogènes absolument injustifiés. On a obtenu la condamnation des policiers qui avaient franchi la ligne rouge, qui avaient adopté un comportement réprimé par la loi pénale. Cette condamnation est symbolique. Ce dossier m’a marqué parce qu’il traduit la réalité du contentieux entre une partie de la police et une partie de la population. Pour les victimes, c’est tout sauf indolore. On a le symbole de la force de l’État qui fait un usage illégitime de la force. Et ça casse beaucoup de choses dans la lecture qu’on peut avoir du projet social.

Avez-vous une devise ?

Quand on aime le football, la devise est de ne jamais lâcher, parce que les renversements sont toujours possibles. Et puis je suis supporter du PSG : je suis bien placé pour le savoir, je suis du mauvais côté. Si la « remontada » a fait son apparition dans le dictionnaire, c’est grâce au PSG. On peut avoir l’impression d’entendre une chanson pour ados, mais il faut toujours y croire et ne jamais lâcher, ne rien lâcher jusqu’au bout.

 

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Qu’est que vous portez sous votre robe ?

On m’a déjà posé cette question, et j’ai été moqué car j’ai répondu que je portais une farouche envie de lutter contre les injustices. Cette question est double, puisqu’elle pourrait demander ce que je suis, ce qui m’habite… Une autre chose qui me définit, c’est le partage du repas. Je suis passionné par la gastronomie, j’adore cuisiner. Donc il y aurait, quand j’enlève ma robe, ce rapport à la justice – et à l’injustice surtout – et puis un rapport aux petits plaisirs de la vie, comme tout le monde.

Avez-vous un rituel avant de commencer une plaidoirie ?

Il y a plusieurs écoles quand il s’agit de prendre la parole. J’ai un confrère que je trouve bluffant. Peu importe ce qu’il plaide, même devant la cour d’assise, même dans un dossier de terrorisme, il se lève et il ne regarde jamais un support écrit, jamais. Il dit qu’il se perdrait avec ce repère visuel. Je trouve que c’est fascinant de concentration. C’est quelqu'un de talentueux. Je crois que les avocats qui lisent passent à côté de quelque chose, parce qu’il s’agit d’emporter la conviction. Pour emporter la conviction, il faut avoir l’écoute. Et pour avoir l’écoute, il faut que le propos soit vivant. Quand on lit, il y a quelque chose de littéralement figé. Comme beaucoup, j’ai un plan rapidement structuré à l’écrit, ou quelques notes qui vont me permettre de savoir à peu près où j’en suis. Cela, à la rigueur, ce serait mon rituel. Mais je n’ai pas de rituel au sens superstitieux. Je suis assez scolaire finalement, avec quelque chose de très travaillé pour l’exercice.

Quand vous retirez la robe de l’avocat, redevenez-vous Loïc Padonou ?

Quand on enlève sa robe, on reste avocat au moins pour un temps. Après l’audience, on est souvent encore avec son client, ou avec la famille de son client s’il est dans le box ou détenu. C’est plutôt en dehors de l’enceinte judiciaire et en dehors de mon cabinet que je ne suis en quelque sorte plus avocat. Mais on a l’impression d’être avocat tout le temps, parce que ça fait partie de ces métiers où on a toujours quelque chose à vous demander. On va dîner avec les copains ou en famille, et il y a quelqu’un qui vous arrête en sortant des toilettes pour vous dire : « Au fait j’avais oublié de te demander, j’ai un petit problème là, qu’est-ce que tu en penses ? Mon contrat a été signé de telle manière, on me reproche ceci… » Ça arrive tout le temps. Jusqu’où on est avocat ? Quand est-ce qu’on arrête de l’être ? Déjà à mon niveau, quand je choisis de défendre des gens gratuitement, pro bono, c’est un véritable choix : les défendre ne me permet pas de payer mon loyer. Défendre les gens qui nous sont proches, je pense que ce peut être délicat. Parfois, il est important de dire « Non. Je vais t’envoyer vers un avocat que tu ne connais pas et qui sera mieux à même de défendre tes intérêts. »

Quelles couleurs portez-vous en privé, au quotidien ?

Je porte des vêtements assez colorés. Du rose, très peu de noir. J’ai un vestiaire qui est riche en couleurs.

Comment avez-vous connu hollington ? Pourquoi aimez-vous cette marque ?

J’ai découvert hollington de manière complètement hasardeuse. Mon cabinet d’avocat est à proximité immédiate de la boutique, qui est toute en longueur dans la rue, avec des vitrines assez étalées. Au début ça ne me parlait pas trop, j’avais l’impression que c’étaient plutôt des vêtements de chasseur. Et puis j’ai fini par pousser la porte, parce que j’ai un rapport aux vêtements qui est assez concret. L’été, j’aime porter des matières plutôt légères. Et l’hiver, je n’ai aucune difficulté à porter des matières lourdes : de la laine, du tweed, du velours, ce qui tranche. Ensuite, j’ai rapidement été conquis par les coupes. Vous l’aurez remarqué, je suis un avocat « coloré », et puis j’ai une coiffure assez particulière. Je m’affranchis aussi du costume au sens usuel du terme. Mais cette marque offre des vêtements qui sont à mon sens à la fois extrêmement élégants et très fonctionnels. Voilà, on est à l’aise dans un vêtement hollington, c’est l’essentiel. Ça me fait penser à une pub pour des vêtements pour enfants qui disait « à quoi ça sert d’avoir des vêtements si on ne peut rien faire avec ? » Eh bien c’est un peu ça, je trouve qu’avec un vêtement hollington on peut tout faire. Je peux porter un vêtement hollington dans un cadre très formel, un rendez-vous professionnel par exemple, ou pour aller chercher mes filles à l’école. Ce sont des vêtements qui s’adaptent énormément, des vêtements caméléon, et c’est très agréable. C’est rare d’avoir des vêtements qui soient aussi confortables.

Qu’affectionnez-vous le plus chez hollington ? La coupe, les couleurs, le style, les matières ?

Chez hollington, franchement, j’aime un peu tout. Je suis assez fidèle, un peu monomaniaque, donc j’ai mes marques. Et si j’ai cinq fois le même pantalon dans différentes matières, c’est parce que je le trouve confortable. Les couleurs sont assez variées, et je trouve que les coupes sont atypiques et très originales, même s’il m‘arrive de les faire retravailler – les pantalons sont un peu larges pour moi. Les matières, c’est tellement important ; c’est important d’avoir chaud l’hiver. J’ai des vêtements en Donegal, en velours lisse ou en velours côtelé, ou du lin l’été. C’est génial. Les vêtements hollington ne sont pas fabriqués dans des endroits exotiques mais en Europe, et c’est important. Sur chacune de ces caractéristiques, c’est une marque qui se distingue parce qu’elle va au bout des choses, elle va au bout de ce que j’ai envie de porter au fil des saisons. C’est aussi ça qui me rend fidèle, je pense.

 

 

Loïc Padonou interview hollington lookbook FW20

Télécharger le lookbook hollington automne-hiver 2020 

Nous remercions Loïc Padonou pour son accueil et le temps qu’il nous a gentiment accordé.  
Photos réalisées par Clément Vayssieres